Nous sommes allées à la rencontre de Léa Lauzier, Co-Présidente des Jeunes Agriculteurs de la Drôme, sur son exploitation à Châteauneuf du Rhône, en Drôme Provençale. Elle revient sur son parcours, ses projets et son engagement syndical.
Qu’est-ce qui t’a amenée à devenir agricultrice ?
« J’ai toujours voulu être dans ce milieu. Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père sont agriculteurs. C’est ancré en moi et j’ai toujours dit que je voulais faire ça »
Ton parcours ?
« J’ai un peu dévié de mon parcours car je me suis installée tardivement par rapport à mon projet. En effet, mon père est encore jeune, il n’a que 55ans. Or, sa structure ne permet pas de vivre à deux. Il a alors fallu que je fasse des choix au niveau de mes études. J’ai fait un BTS semences puis je suis partie en licence pro management des entreprises, ce qui m’a permis de décrocher un CDI en comptabilité. J’ai été assistante comptable de 2012 à 2016, jusqu’à ce que j’en aie marre et que je devienne claustrophobe, tout simplement ! » Nous dit-elle avec humour.
Léa a donc démissionné, après trois ans et demi d’expérience au sein d’un cabinet comptable. Il est alors trop tôt pour reprendre l’exploitation familiale.
Léa s’installe le 1er octobre 2016 en tant que pépiniériste en rachetant à son grand-père deux serres et des arceaux pour en construire une troisième. Elle a pu ainsi limiter ses investissements de départ. Son expérience en comptabilité l’aide à prendre des décisions de gestion cohérentes avec les capacités de son exploitation.
Avec 600m² de serres, elle a actuellement le statut de cotisante solidaire au regard de la MSA.
As-tu envie d’être reconnue comme une agricultrice pleinement installée ?
« Ce n’est pas forcément une envie car évidemment, cela coûte cher de payer la MSA en tant qu’agricultrice à titre principal, mais pour avoir quelques droits de retraite quand j’aurai l’âge, oui ! »
Léa produit des plants de thym, lavandin, romarin, sauge, origan, et menthe poivrée. Qu’en est-il de la commercialisation ?
« Je produis principalement des plants de thyms et lavandins. Je vends à 99.9% à des agriculteurs qui eux vont replanter en plein champs pour faire des huiles essentielles. Pour l’instant je n’ai que des pieds-mère pour les huiles essentielles ; j’envisage de me diversifier pour aller aussi vers les PPAM pour l’herboristerie même si je n’ai pas beaucoup de demande en ce moment. Mais il vaut mieux être toujours prêt.
Je ne travaille qu’à la commande, avec 20% de plus en cas de pertes, mais à partir du moment où je connais mon taux de réussite, je peux dire à mes clients combien de plants il me reste.
Je vends essentiellement en France, je préfère d’ailleurs. Il m’est arrivé de vendre jusqu’en Bulgarie. C’est la loi du marché !
J’aime choisir mes clients et voir comment mes plants poussent. Peut-être par fierté, comme un céréalier qui dirait « tu vois ce bon pain ? Eh bien c’est ma farine ! » ; « Je vends à des gens qui travaillent bien. »
Et la vente aux particuliers ?
« De temps en temps quand il me reste des plants, je mets une annonce sur Facebook. Mais étant donné que je travaille seule, je ne serais pas compétitive si je ne faisais que ça. Quand je fais les marchés, ce qui m’intéresse, c’est la dimension pédagogique pour expliquer mon métier aux gens. »
Quels sont tes projets pour l’avenir ? Envisages-tu toujours de reprendre l’exploitation de ton père ?
Oui j’ai toujours ce projet, il y a 60ha de SAU ; Il va falloir que je fasse des choix. Je ne vais pas forcément prendre un associé mais peut-être un salarié polyvalent qui s’occuperait de l’arboriculture et la grande culture, et moi garder la pépinière et les plantes aromatiques.
Actuellement on réfléchit à ce qu’on va faire dans dix ans. Il y a des questions à anticiper avant de se lancer. Même quand on est agriculteurs de métier, quand on change de culture, on ne sait pas où on va.
Léa insiste alors sur un point…
Il faut s’adapter à son territoire, il n’y a pas qu’UNE agriculture. Je me verrais mal dire à un professeur comment exercer son métier, alors j’ai du mal à entendre un professeur me dire comment il faut que je travaille. C’est le ressenti de beaucoup d’agriculteurs : bien sûr, il faut des garde-fous, mais laissez-nous faire ce qu’on sait faire !
As-tu déjà rencontré des problèmes avec le voisinage lorsque vous traitez ?
Personnellement non, je ne traite pas beaucoup et j’ai des petites surfaces.
Il y a beaucoup de nouveaux lotissements, mes grands-parents sont là depuis 1963 ; donc les gens savent qu’il y a des agriculteurs. Ils sont venus pour le paysage, mais il faut bien qu’il y en ait un qui se lève à 5h du mat pour entretenir ce paysage. Ça fait partie des petites incompréhensions entre citadin/ruraux.
En 2019 Léa entre dans le Bureau en tant que Secrétaire Générale adjointe puis en mars 2020 elle prend la présidence de JA26 avec Henry Vignon.
Pourquoi poursuis-tu ton engagement au sein du réseau JA?
Parce que ça m’éclate ! Ça me prend beaucoup de temps, car on se rend compte que les dossiers rattachés aux gens dont on s’occupe sont passionnants !
C’est une expérience qui me permet de prendre vraiment confiance en moi.
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