C’est une rencontre historique qui s’est déroulée le 30 juin 2020 sur le territoire du sud de la Drôme et du nord du Vaucluse. En effet, les Jeunes Agriculteurs des deux départements ont convié leurs Préfets à des visites d’exploitations sur ces deux territoires. Ainsi, M. GAUME, Préfet du Vaucluse, et M. MOUTOUH, Préfet de la Drôme, ont passé la matinée en Drôme, sur le canton de Tulette et l’après-midi dans le Vaucluse, dans l’Enclave des Papes. Ce jour-là, plus que deux départements, ce sont deux régions qui se sont rencontrées.
Mais il faut dire que, sur ce territoire, les frontières sont poreuses. En effet, il est presque normal que des sièges d’exploitations soient situés dans un département avec les terres dans l’autre, et vice-versa. C’est pourquoi les JA 84 et JA 26 avaient à cœur de réunir les deux Préfets sur ce territoire où les problématiques, tout comme les exploitations, se rient des frontières administratives.
La journée a débuté sur la commune de Tulette, sur l’exploitation de l’EARL des Cèdres, gérée par Mathieu PEYSSON et ses parents. C’est une exploitation viticole et de poules pondeuses. Les Préfets et invités ont pu visiter le poulailler contenant 3000 poules pondeuses ayant un parc de 3 ha en plein air. Ils ont pu participer au ramassage des œufs et même repartir avec le fruit de leur cueillette.
Cette visite a été l’occasion pour Mathieu de pointer les difficultés règlementaires auxquelles sont confrontés les producteurs d’œufs qui possèdent ou souhaiteraient créer un centre de conditionnement. En effet, c’est un investissement colossal qu’il faut mettre en place dès lors qu’on produit plus de 250 œufs par jour. Seul un seuil minimum plancher conditionne cette règlementation et ne tient pas compte des différents tailles et types d’exploitation, au-delà de ce seuil donc toutes les exploitations et peu importe leur format sont logées à la même enseigne… une hérésie pour le syndicat des Jeunes Agriculteurs !
La journée s’est poursuivie chez Corentin HUGOUVIEUX, , jeune agriculteur installé depuis trois ans. Il produit des plantes aromatiques pour les huiles essentielles (lavandin) et pour la feuille (le mélange d’herbes de Provence).
Cette visite a été l’occasion pour Corentin d’expliquer aux deux Préfets, parlementaires et élus locaux, son parcours à l’installation, les mises en culture progressive et les investissements qu’il a dû réaliser.
Jordan MAGNET, Vice-président JA26 en charge du RGA, en a profité pour revenir sur l’enveloppe allouée à la DJA dans le budget de la prochaine programmation PAC : « Jeunes Agriculteurs est très soucieux de maintenir un fort renouvellement des générations et la transition vers cette prochaine programmation inquiète…»
La baisse du dispositif d’aide à l’installation est crainte par les JA des deux départements car elle mettrait en péril l’efficacité du dispositif. En effet, les contreparties à la DJA pour le jeune installé seraient trop contraignantes si celle-ci était inférieure à 10 000 €. Les élus JA 26 et 84 ont rappelé la nécessité d’avoir une DJA solide et pérenne afin que celle-ci soit considérée comme un vrai levier aux installations.
Malgré le plan de relance annoncé par l’Union Européenne à hauteur de 45 milliards dont une partie serait destinée au 2ème pilier de la PAC et aux investissements d’avenir, les JA resteront méfiants tant que l’enveloppe ne sera pas abondée, et une grande vigilance sera portée sur sa juste utilisation, nécessaire à rendre attractif les dispositifs à l’installation.
Ici, l’enjeu est clair pour tous : continuer d’installer des jeunes agriculteurs pour assurer le renouvellement des générations en agriculture! Avec, en 2019, 70 installations aidées et autant non aidées, la Drôme est en bonne posture mais les efforts doivent être maintenus.
Le déjeuner a été l’occasion d’aborder la problématique de l’accès à l’eau, ressource précieuse dans ces terres et fort enjeu territorial. Globalement, les Jeunes Agriculteurs, les parlementaires, élus locaux et les Préfets sont d’accord : l’agriculture de demain ne pourra se passer de cet accès à l’eau qu’il il faudra acheminer jusque dans ces territoires mais en gardant bien à l’esprit de l’utiliser avec parcimonie. C’est un défi de taille car, aujourd’hui, de plus en plus de cultures qui pouvaient, auparavant, se cultiver en sec ont besoin d’être irriguées (vigne, plantes aromatiques …).
Pour les syndicats Jeunes Agriculteurs, la rareté grandissante de l’eau pose la question de la viabilité et de la transmissibilité des exploitations agricoles, dont certaines ne peuvent se passer d’irrigation.
En début d’après-midi, ce sont Johanna et Grégory RIBIER, jeunes maraîchers de la Ferme de l’Estau, située dans l’Enclave des Papes, qui nous ont accueillis sur une parcelle en culture sous serres de tomates. Leur mode de commercialisation est uniquement orienté sur la vente directe, via différents canaux : marchés de producteurs, magasins de producteurs, drive des JA de Tulette, restauration scolaire municipale, vente à la ferme.
Pendant le confinement, leur clientèle a explosé ! Ils recevaient de 100 à 150 personnes sur leur ferme par jour avec toutes les mesures sanitaires que cela impliquait, et ils ont dû employer leurs saisonniers deux mois en avance pour tenir le rythme. Depuis la fin du confinement, certains clients ne sont pas revenus, mais beaucoup ont été fidélisé et continuent de venir. Johanna estime l’augmentation à 30% par rapport au nombre de clients avant le confinement.
Cette visite a été l’occasion de reparler du problème de main d’œuvre agricole, ainsi que des circuits de commercialisation et des problèmes de ravageurs arrivés avec des produits importés.
La journée s’est terminée à Visan, sur le domaine de Lucena, une cave particulière de vignerons indépendants. L’occasion également d’aborder la situation du marché vinicole pendant la crise sanitaire. Même s’il est à noter une augmentation pour certains vignerons de vente aux particuliers, via les réseaux de circuit courts (vente directe, caviste, GMS en directe) ; les Jeunes Agriculteurs tiennent à signaler que le marché vinicole fut mis à mal lors de la période de confinement : débouchés quasi inexistants sur les CHR et recul des ventes de vins en VRAC, ne faisant qu’in facto augmenter les volumes stockés en cave.
Les cours des marchés de vins français tendaient déjà à la baisse avant l’annonce de la crise sanitaire COVID et les Jeunes Agriculteurs craignent lourdement que cette situation s’aggrave dans les semaines à venir, ne faisant qu’accentuer les tensions sur un marché déjà fragilisé.
Après une visite de la cave, les préfets et les Jeunes Agriculteurs ont pu déguster un dernier verre de vin et faire le point sur cette rencontre riche en informations. Le rendez-vous est déjà donné pour l’année prochaine !
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